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Comedia, Drama

Mamacruz

Film de Patricia Ortega, Espagne, 2023

                                               Critique de Véronique GILLE

Durée: 83 min.

Année2023
PaysEspaña
RéalisationPatricia Ortega
ScénarioPatricia Ortega y José Ortuño

MusiquePaloma Peñarrubia

PhotographieFran Fernández-Pardo
InterprétationKiti Mánver, Pepe Quero, Inéz Benítez Viñuela, Silvia Acosta, Loles Gutiérrez, Catalina Gaitán, Úrsula Díaz Manzano, Mari Paz Sayago
GenreComedia. Drama. Vejez.

Mamacruz ou le chemin de croix d’une femme âgée d’une soixantaine d’années pour découvrir, connaître et atteindre ce qui était appelé au XVIème siècle “la petite mort” : l’orgasme. Le film, dédié à la mère de la réalisatrice, abonde de scènes et de paroles standardisées, mais son propos l’est beaucoup moins. Mariée, Maricruz se consacre aux menus travaux de sa paroisse entre son mari, Eduardo, apathique et sa petite-fille qu’ils gardent lors des voyages à l’étranger de leur fille danseuse professionnelle, Carlota. On devine rapidement par les scènes anecdotiques que le problème majeur de la protagoniste demeure dans le fait qu’elle n’ait connu que deux hommes dans sa vie : Eduardo et…Jésus, statue d’homme jeune au corps désirable mais inaccessible -et surtout interdit- qu’elle rencontre tous les jours dans son église. Eduardo est un homme fatigué au désir sexuel totalement annihilé et peu attentionné envers la femme que reste Maricruz, malgré les années passées.

Se décoincer pour atteindre l’orgasme va se transformer en obsession pour la paroissienne : les sermons deviennent des appels à l’érotisme, à la volupté, le corps du Christ, des muscles à caresser et des lèvres à embrasser que révèle la tension désirante qui se construit dans l’espace du regard. Cependant, Maricruz se retrouve paralysée par son propre désir qui remet en cause son éducation, sa foi, sa vie quotidienne épiée par le qu’en dira-t-on de ses acolytes bigotes et son expérience sexuelle quasi inexistante. Elle est anxieuse, mais va oser le trouble, la découverte aidée par un groupe de thérapie.

Malheureusement, le film se change rapidement en une comédie de mauvais goût mêlant séquences topiques, clichés vulgaires, gros plans envahissants, voire nauséeux, images laides et monocolores. Tout est centré sur la recherche de l’orgasme, mais sans que la cinéaste aborde vraiment le thème encore tabou aujourd’hui.

Ce qui aurait pu être une ode aux femmes mûres n’est qu’une piètre comédie sans envergure. La majeure partie des scènes sont prévisibles, déjà écrites et vues. Le film n’est pas toujours fait avec soin,  finesse et sensibilité. Seule, l’actrice principale Kiti Mánver tire son épingle du jeu, précisément de son jeu qui reste sobre et réaliste alors que celui des autres interprètes est souvent outrancier et peu naturel. Si c’était initialement le propos de Patricia Ortega, il lui sera très difficile de changer le regard de la société sur la sexualité des femmes après la soixantaine. Et la scène finale n’y contribuera pas non plus. En vérité le ton du film n’est pas toujours juste, voire approprié dans les scènes. C’est le gros problème de ce  film qui n’a pas trouvé un ton juste, il est rarement drôle, rarement émouvant. La cinéaste n’a pas réussi à manifester une délicatesse qui aurait protégé son film de toute dérive scabreuse.

Patricia Ortega met une insistance parfois indiscrète à nous faire admettre l’érotisme de Maricruz. Probablement le film se veut-il cru et dérangeant pour éveiller la réflexion sur la sexualité féminine des femmes senior et ainsi montrer que le sexe pour ces femmes peut être un besoin et un désir, car dans la vie il est possible de pouvoir obtenir ce plaisir tant convoité et ne pas se sentir nécessairement conditionné par le jugement, la critique et la culpabilité. La culpabilité. Le mot est lâché et la religion a vite fait de représenter le plaisir féminin comme le symbole même d’Ève, la pécheresse, tandis que la société laisse la femme, évidemment jeune, à son rôle ancestral d’objet du désir et ne pouvant être conçu qu’à travers le regard de l’homme. Mais dans le film, il n’y a que le regard du prêtre qui critique et juge. Eduardo ne regarde plus Maricruz, car l’amour a disparu. D’ailleurs, la protagoniste se déshabille seule, elle enlève seule le corset qui emprisonne son corps devenu inutile et pourtant vivant, vibrant et faisant front aux normes sociales.

Peu de mots, beaucoup d’images lourdes et pesantes comme les corps qui ont bien du mal à représenter quelles sont les profondes relations qui associent la religion à la sexualité dans une Andalousie bigote. Le quotidien grisonnant de Maricruz est survolé de manière anecdotique. Certes, la réalisatrice dit et montre ce qui est, de manière frontale, mais la trame est mince et, finalement, le film est peut-être trop individuel pour que les spectateurs dans leur ensemble se sentent concernés. La volonté du personnage va de pair avec une réticence due aux peurs et aux préjugés. De même, l’interaction trop souvent superficielle avec les autres femmes du groupe de thérapie n’est pas non plus convaincante.

Comment valoriser son image corporelle et son identité sexuelle à soixante ans passés ? La réponse n’a rien de nouveau : tout semble passer par les dessous affriolants, une coiffure changée, un maquillage plus prononcé, mais cela reste cloisonné et dirigé vers le regard normé de l’homme, tout est encore pour lui.

Qu’en est-il des interdits internes qui empêchent de lâcher prise au plaisir, qu’en est-il des difficultés à  se détendre et à s’abandonner aux sensations corporelles vécues avec l’être désiré, qu’en est-il des peurs : celle de faire confiance à l’autre, la peur de son rejet, la peur de l’échec ? Ici, nous ne le saurons pas, car il s’agit d’une sexualité solitaire, celle d’une femme pourtant mariée. L’homme en est exclu car à soixante ans, on ne parle plus de ces choses-là. On ne fait pas face aux problèmes d’insatisfaction sexuelle et on ne partage plus ses fantasmes sexuels. L’intérieur de la maison du vieux couple est un sanctuaire avec ses croix, ses statuettes de Vierges, ses voiles religieux… Beaucoup de scènes se répètent, obsessionnelles, mais inutiles, car leur symbolique se devine à cent lieues au premier coup d’œil et leur humour, si tant est qu’elles en aient, tombe à plat.

        Oui, le film est présenté comme une comédie, mais c’est plutôt un film vraiment triste, un drame, car on s’éloigne vite des émotions des personnages tout en se rapprochant d’un mode de pensée qui existe encore aujourd’hui. La rébellion de Maricruz est douce, mais la réalisation du film est brouillonne. Oui, le film montre la corrélation entre la libération du personnage féminin et la découverte du plaisir, qui est aussi la découverte de soi et la prise de conscience de sa situation. Peut-on penser que prendre le pouvoir sur sa sexualité, c’est prendre le pouvoir sur sa vie? La sexualité serait donc une fin en soi et non un moyen pour accéder à quelque chose d’autre. Personnage non désiré, mais désirant, Maricruz expérimente pour elle toute seule, pour son plaisir, la liberté au corps. Le personnage se met à nu, mais pas pour nous, spectateurs. Donc, le film est inefficace et vain.

Pour voir la version espagnole, cliquez ici.

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