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TANT QUE TU SERAS TOI

Documentaire de Claudia PINTO, Espagne, 2024

                               Critique de Véronique GILLE

Durée: 73 min.

Année: 2023
Pays: España
Réalisation: Claudia Pinto
Scénario: Claudia Pinto

Musique: Vanesa Garde

Photographie: Agnès Piqué Corbera
Interprétation: Carme Elías, Juan Carlos Corazza,
Genre: Documenaire. Drame. Maladie. Alzheimer.

    Le documentaire de Claudia Pinto est un vibrant hommage à l’actrice catalane Carme Elias. Pendant quatre ans, la réalisatrice a pu suivre l’actrice dont la mémoire peu à peu se couvre d’ombres avant de tomber dans la nuit noire de l’oubli.  Carme Elias est atteinte de la maladie d’Alzheimer. On entre dans sa vie professionnelle et dans son intimité pour ne plus en sortir avant soixante-quinze minutes. Portrait émouvant, le film est agrémenté des propres témoignages de l’actrice sur l’avancée inexorable de la maladie. Elle dit ses propres mots, puis  récite des mots écrits par ou pour elle car la maladie les ôte à sa mémoire.

    Au fur et à mesure que défilent images, flashbacks, dialogues, conversations, répétitions, on se dit que le film a dû être difficile à tourner émotionnellement. Mais autant l’artiste que la réalisatrice ont dû être heureuses de le faire, car il ne sombre jamais dans le pathologique ni le pathétisme ruisselant. Louvoyant entre l’hommage à la comédienne et la chronique de son déclin, le documentaire est bien construit, avec sobriété et pudeur. Cependant, il souffre de quelques séquences appuyées et répétitives. Parfois, les images seules sont suffisamment éloquentes par les gestes, les regards et n’ont pas besoin de paroles juxtaposées à l’image. Mais ces séquences ne sont pas nombreuses.

    Il est sûr que l’on est dans le registre des émotions, toutefois le documentaire peut se défendre, à juste titre, de tout sensationnalisme, car n’y apparaît aucun voyeurisme vulgaire et mal placé. Touchée par la maladie, Carme Elias se raconte par bribes. Les films qu’elle a tournés, les pièces de théâtre qu’elle a jouées, c’est la belle histoire de son métier, sauf que bientôt, ses proches et amis, ses collègues la connaîtront mieux qu’elle. Pour l’instant, la comédienne travaille et mène une vie quasi normale et lucide, elle récite et discute, elle sort et rit. Filmée dans son quotidien professionnel, elle continue à jouer instinctivement et justement avant que ses souvenirs ne sombrent dans les abysses. Sa sensibilité à fleur de peau et sa vitalité séduisent.

     Dans le documentaire on voit une femme tout simplement. Elle s’amuse avec ses petits-enfants et n’est pas une star veloutée coupée du réel. Elle délivre un message d’adieu et le film le montre avec intelligence. Les clairs-obscurs qui colorent souvent les images racontent cet effacement quotidien qui touche de nombreuses personnes. Il est donc important de regarder ce documentaire en pensant aux familles qui vivent auprès des malades. Ici, la réalité de la maladie est douce, mais il semble que sa réalité devient plus violente. Par exemple, on peut supposer les moments de dépression que doit traverser Carme quand elle ne travaille pas et reste seule, on peut se demander combien de personnes ont commencé à lui tourner le dos, combien de ses collègues artistes prennent régulièrement de ses nouvelles, combien de sourires voit-elle se transformer désormais en rictus de compassion à son approche?

    Sans doute la plus belle image du documentaire est celle de Carme Elias, vêtue d’un manteau rouge et portant le masque réglementaire dû à la pandémie, levant et fermant les yeux sur lesquels se pose un lumineux rayon de soleil. Silencieux et apaisé, le regard clos de la comédienne semble sourire. Cette femme oubliera bientôt sa carrière, sa vie déroulée disparaîtra de sa mémoire. Elle est là, continue son combat envers et contre tout. Bientôt, elle ne sera plus, mais que tous soient heureux qu’elle ait été.  Documentaire juste beau!

Pour voir la version espagnole, cliquez ici.

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