Documentaire de Silvia VENEGAS, Espagne, 2023
Critique de Véronique GILLE
Durée: 18 min.
Année: 2023
Pays: España
Réalisation: Silvia Venegas Venegas
Scénario: Silvia Venegas Venegas
Genre: Documentaire. Féminisme. Court-métrage.
Être une femme en 2023, ça veut dire quoi? Dans son documentaire Héritières, Silvia Venegas n’apporte aucune réponse à cette question. Pourtant, la question est fondamentale pour rendre un véritable hommage aux pionnières citées dans son court-métrage et dont nous sommes en effet les héritières. Certes, le film montre un activisme qui ne s’est jamais arrêté depuis les dernières années du XIXème siècle (d’ailleurs, est-il voué à s’arrêter un jour? Autre question sans réponse…). Certes, le court-métrage vient coller des noms, des visages, des convictions sur cette lutte pour défendre les droits des femmes dans le monde. Certes, ces militantes, mères, filles, sœurs, compagnes, amies, voisines ou inconnues portent une cause universelle, mais le documentaire enchaîne une confusion de données déjà sues, déjà apprises. Rien de nouveau sous le ciel des manifestations.
On regrette l’absence de repères historiques suivis et celle des questions qui fâchent (Pourquoi le non-droit de vote? Pourquoi la non-mixité? Pourquoi encore aujourd’hui une jeune Première Ministre finlandaise se voit-elle obligée de démissionner pour avoir passé une soirée très festive avec des amis alors que les frasques de ces messieurs les politiques sont parfois tout simplement excusées?). Le documentaire stipule qu’il y a eu des avancées idéologiques, oui, mais lesquelles exactement? N’en sommes-nous pas au même point (ou presque) après plus d’un siècle de luttes: ne sommes-nous pas encore et toujours stigmatisées, bafouées, humiliées, spoliées, utilisées, dupées, asservies, assassinées dans toutes les sociétés -à des degrés divers-? Pourquoi sommes-nous ainsi marginalisées? La religion y est-elle pour quelque chose? Pourquoi la lecture de ce que nous sommes est-elle à ce point erronée?
Silvia Venegas use d’un cinéma direct dans son film ponctué de paroles de jeunes femmes et hommes qui continuent de relever ce défi (éternel?). Leurs paroles enthousiastes entretiennent l’espoir de changements, vaille que vaille et ravivent la flamme de la grande œuvre de ces pionnières qui ont fait bouger les lignes. Non exempt de défauts, notamment une musique mal assortie aux images, le documentaire délivre cependant un témoignage sur les actes féministes d’aujourd’hui. Il n’a plus qu’à suivre le mouvement. Ce documentaire répétitif veut brosser un tableau convaincant et empathique, mais ses aspects sont disparates. Il est vrai aussi que ce qu’on n’entend pas, il faut le marteler. Et écouter, récolter la parole de ces femmes et jeunes gens, ce n’est pas rien.
Toutefois, on aurait aimé que l’approche de la cinéaste soit moins monotone et plus créative. Où en est le féminisme aujourd’hui? Le contexte qui préside à l’action des femmes est curieusement effacé par la routine de la mise en scène. En résulte un film de lutte trop sage. En ne voulant rien complexifier, en évitant les sujets qui fâchent et la conflictualité propre à tout mouvement, le documentaire prend des allures de spot qui érige hâtivement un combat justifié en lutte édulcorée, dépourvue d’héroïsme. La condition féminine doit unir les cultures bien que le problème ne se limite pas à elles. Comment expliquer, par exemple, l’intérêt du cinéma occidental pour les violences faites aux femmes ailleurs? Donneuse de leçon, notre société occidentale serait-elle à ce point irréprochable en matière de patriarcat qu’il faille en chercher les affres chez les autres? Ici et ailleurs, défendre notre héritage est une urgence absolue.
Pour voir la version espagnole, cliquez ici.
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